#11 “J’ai joué avec personne.” — Le mensonge le plus sincère de la maternelle
“Tu as joué avec qui aujourd’hui ?”
Scène classique :
Vous récupérez votre enfant. Vous demandez :
« Alors, t’as joué avec qui à la récré ? »
Et là, regard de chiot blessé —
« Avec personne… personne voulait jouer avec moi… »
Votre cœur fond, vous imaginez votre bébé seul sur un banc, abandonné comme un petit chat sur le bord de l’autoroute. Vous le prenez dans vos bras, vous le réconfortez.
Erreur fatale.
Parce que l’idée d’un enfant de maternelle totalement inactif en récréation relève du fantastique.
Si un scientifique arrivait à filmer un enfant qui NE JOUE PAS en récré, il gagnerait un prix Nobel en anthropologie infantile.
La récréation, c’est un milieu naturel où :
même les enfants “seuls” courent derrière quelqu’un,
même ceux qui “n’avaient personne” attrapent un toboggan, un caillou, un bras, un bâton imaginaire,
même ceux qui “sont restés dans leur coin” ont crié “bouh” à un moment, ne serait-ce que pour voir ce que ça fait.
Un enfant de maternelle qui ne joue pas du tout, ça n’existe à peu près pas.
Il y a plus de chances que le président de la République démissionne.
Alors pourquoi ils disent ça ?
Parce qu’à 4 ans :
“Personne” = “pas exactement CE QUE JE VOULAIS quand JE l’ai voulu”
“Personne” = “Béatrice n’a pas obéi à mes règles du jeu de princesse pirate cosmique”
“Personne” = “Le groupe a arrêté mon scénario à moi”
Il ne dit pas qu’il était seul.
Il dit qu’il n’a pas contrôlé le monde.
Et nous, adultes sensibles, on fait quoi ?
On le serre, on cherche un coupable,
on conclut que la cour est un désert hostile rempli de sociopathes de 4 ans,
on pense à inscrire l’enfant chez Montessori Premium Émotion Zen.
Alors qu’en vrai, 10 minutes plus tôt,
votre enfant était occupé à hurler “ATTAAAAAQUE” en courant avec un bâton imaginaire
sur celui qu’il accuse maintenant de ne pas avoir joué avec lui.
Moralité
Quand un enfant dit “j’ai joué avec personne” :
Ce n’est pas un rapport sociologique —
c’est un résumé affectif instantané.
La récré, c’est le chaos social, l’apprentissage brut, le labo du vivre-ensemble.
Et même quand ils pensent qu’ils ne jouent pas…
ils jouent quand même.