#13 - “Elle est nulle ta maîtresse”

« Elle est nulle la maîtresse. »
C’est une phrase qui arrive parfois dans la bouche d’un élève, l’air de rien, entre la compote et le coloriage.
Une phrase dite avec une légèreté d’enfant…
… mais qui n’a rien d’enfantin.

Parce qu’un enfant ne dit pas “la maîtresse est nulle” s’il ne l’a pas entendu quelque part.
Et ce quelque part, ce sont souvent nos cuisines, nos téléphones, nos exaspérations d’adultes.
L’enfant devient le messager involontaire de nos frustrations.

Quand l’enfant parle, mais que ce n’est pas lui qui parle

Un enfant répète. C’est sa nature.
Il absorbe les mots comme il absorbe les gestes.
Et dans certaines familles, la phrase “elle est nulle ta maîtresse” sort plus vite qu’un “passe-moi le sel”.

Mais l’enfant, lui, n’a rien demandé.
Il aime sa maîtresse.
Il lui fait confiance.
Il la regarde pour apprendre, pour comprendre, pour se sécuriser.

Et quand il répète la critique d’un adulte, c’est sa loyauté qui bascule :

  • être fidèle à la maison,

  • ou être fidèle à l’école ?
    Un conflit de loyauté à 5 ans.
    Un malaise qu’il ne saura jamais nommer.

La critique parentale : un impact que personne ne mesure

Quand un parent dénigre l’enseignant, il ne réalise pas qu’il sape la base même du travail éducatif :
la confiance.

On ne peut pas apprendre auprès d’un adulte dont on doute,
dont on se moque,
ou qu’on a appris à mépriser par mimétisme.

Les parents pensent qu’ils s’adressent “au système”,
ou à “l’institution”,
ou à “l’école en général”.

Mais l’enfant entend :
“La personne qui t’apprend à lire est nulle.”

Cela revient à dire :
“Apprendre avec elle ne sert à rien.”
“Tu n’as pas besoin de l’écouter.”
“Tu peux la défier.”

La conséquence ?
Une perte de repères.
Une résistance en classe.
Une fragilité dans la relation pédagogique.

Et la maîtresse se retrouve à rattraper un climat qu’elle n’a jamais créé.

Le paradoxe cruel : l’enfant souffre de la critique censée le défendre

Beaucoup de parents critiquent parce qu’ils veulent défendre leur enfant.
Ils pensent l’aider en le positionnant comme victime d’un système injuste ou d’une maîtresse trop exigeante.

Mais en réalité :
ils le fragilisent.

Un enfant dont on critique l’enseignant :

  • se sent moins en sécurité en classe,

  • perd confiance en ses capacités d’apprendre,

  • se désengage,

  • n’ose plus poser de questions,

  • se met en échec par anticipation,

  • et parfois… se met en opposition.

Le parent pense protéger.
L’enfant, lui, se retrouve seul entre deux mondes qui devraient coopérer.

Les enseignants : humains, pas parfaits

Évidemment, il existe des enseignants qui se trompent.
Qui sont maladroits.
Qui sont fatigués.
Qui vivent une année difficile.
Qui manquent de formation sur certains profils.

Les enseignants ne sont pas des machines bien huilées.
Ils font parfois ce qu’ils peuvent, avec ce qu’ils ont, dans un système sous tension.

Mais dire “elle est nulle”,
c’est simplifier un métier complexe à l’extrême.
C’est s’attaquer à la personne,
au lieu d’analyser le problème.

Ce n’est ni juste,
ni utile,
ni éducatif.

La vraie question : que veut-on transmettre à l’enfant ?

Qu’on peut juger les gens sans les connaître ?
Que l’autorité n’a pas de valeur ?
Que l’erreur se règle par le dénigrement ?
Que la coopération est optionnelle ?

Ou bien :

  • le respect,

  • la nuance,

  • la discussion,

  • la collaboration avec les adultes qui l’entourent,

  • l’idée que l’école et la famille forment une équipe.

Les enfants apprennent en nous regardant.
À nous de leur montrer comment on parle de ceux qui les accompagnent.

Et si on remplaçait “ta maîtresse est nulle” par une vraie conversation ?

Un parent a le droit d’être en désaccord.
Mais il peut le dire autrement :

  • « J’ai une question. »

  • « Je ne comprends pas ce choix. »

  • « Pouvez-vous m’expliquer ? »

  • « Comment pouvons-nous aider ensemble ? »

Parce que l’enfant n’a pas besoin d’entendre que sa maîtresse est nulle.
Il a besoin d’entendre que les adultes qui l’aiment et ceux qui l’éduquent savent se parler, se respecter, s’écouter.

C’est ce climat-là qui crée un enfant solide.
Pas les casseroles que les adultes se renvoient entre eux.

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#12 Vouloir des résultats immédiats ou l’auto-sabotage de la parentalité