#4 Et le collectif dans tout ça ?

Le collectif déclassé : quand l’école devient le prolongement du “Moi-je parental”

On le voit chaque année un peu plus nettement :
le collectif — ce cœur historique de l’école républicaine — se dissout sous la pression du “mon enfant”.

Ce n’est plus :
Que devient un enfant avec les autres ?
mais :
Comment les autres gênent-ils le mien ?

Chaque parent vient désormais avec un dossier individuel :
— mon enfant est hypersensible,
— mon enfant est harcelé,
— mon enfant est en avance,
— mon enfant est trop fin pour ces camarades,
— mon enfant souffre de ce groupe qui ne lui ressemble pas.

Le “nous” n’a plus d’épaisseur.
Le “il faut que mon enfant soit bien” a remplacé
le “il faut qu’il apprenne à faire sa place parmi les autres”.

Quand l’école devient un service sur mesure pour un seul

L’école maternelle n’est plus perçue comme un lieu d’apprentissage du commun,
mais comme un espace à calibrer pour ne jamais froisser une intériorité individuelle.

On ne demande plus à l’enfant de se transformer au contact du groupe :
on demande au groupe de s’ajuster à la singularité de l’enfant.

Et lorsque le réel résiste — lorsque le collectif contrarie le projet parental —
ce n’est jamais un signe utile, jamais un terrain éducatif :
c’est une “atteinte”, une “maltraitance ordinaire”, une “injustice”.

Le paradoxe éducatif contemporain

Des parents réclament des compétences sociales,
mais refusent que leurs enfants en passent par les situations sociales réelles.

Ils exigent la tolérance,
tout en demandant d’exclure les camarades “qui dérangent”.

Ils veulent des enfants autonomes,
tout en parlant à leur place, en filtrant tout, en interprétant tout.

Ils disent vouloir former des citoyens,
tout en défendant leur enfant comme un intérêt particulier absolu.

Ce que Meirieu dirait

Il dirait que l’école n’est pas là pour faire triompher un ego,
mais pour faire exister un espace tiers
un lieu où l’enfant apprend qu’il n’est pas le centre,
qu’il doit composer, négocier, renoncer parfois, réparer souvent.

Sans cette expérience du commun,
il n’y a ni démocratie possible, ni maturité, ni esprit public.

Une société qui sacralise uniquement l’enfant singulier
fabrique des adultes incapables de vivre avec d'autres.

Le rappel à l’essentiel

L’école ne déforme pas l’enfant.
Elle le décale hors de lui-même, pour l’ouvrir au monde.

Le collectif n’est pas une menace à éviter :
c’est le cadre indispensable pour sortir de soi.

Et si l’on veut encore, en 2025, éduquer — pas seulement protéger —
il faudra réapprendre à dire à son enfant :

« À l’école, tu n’es pas seul. Et c’est ça qui te fait grandir. »

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