#3 “Je sais que mon enfant n’a pas commencé”

« Je sais que ce n’est pas mon enfant qui a commencé » — la fiction rassurante des parents impeccables

Il y a des phrases qui en disent plus sur le parent que sur l’enfant.
« Je sais que ce n’est pas mon enfant qui a commencé » en fait partie.

À l’école, personne ne “sait” qui a commencé.
Surtout pas un adulte qui n’était pas là.

Dire cela, ce n’est pas décrire une réalité :
c’est protéger une image intérieure de son enfant — celle du gentil, du juste, du propre, de celui qui “subit mais ne cause jamais”.

Sauf qu’un enfant normal :
— peut commencer une dispute un jour et la subir un autre,
— peut pousser sans intention de nuire,
— peut répondre avant d’avoir réfléchi,
— peut être charmant à la maison et rugueux dans le groupe.

C’est ça, un enfant humain.

Pourquoi cette phrase est problématique

Quand un parent affirme « Je sais », il ferme toute possibilité d’analyse et de travail éducatif.
Il ne cherche pas à comprendre — il cherche à innocenter.

Et éduquer un enfant, ce n’est pas l’innocenter de tout.
C’est lui apprendre à assumer une part de responsabilité, même minime, dans ce qu’il vit.

À force de déclarer par avance que votre enfant n’a “jamais commencé”, vous lui enseignez trois choses toxiques :

  1. « La faute vient toujours de l’autre. »

  2. « Je n’ai rien à apprendre de ce qui arrive. »

  3. « Mes parents me protègent de la réalité. »

Ce n’est pas de l’amour qui éduque.
C’est de la défense d’image.

Ce que dit vraiment cette phrase

« Je sais que ce n’est pas lui » veut souvent dire :

“Je ne supporte pas l’idée que mon enfant puisse être acteur d’un conflit.”

Ce n’est pas l’enfant qui ne supporte pas la frustration morale —
c’est le parent.

Ce qu’on pourrait dire à la place

Au lieu de “Ce n’est pas lui”, on pourrait dire :

  • « Qu’est-ce qu’on peut apprendre de ce qui s’est passé ? »

  • « Comment il aurait pu réagir autrement ? »

  • « Qu’est-ce qu’on peut préparer pour la prochaine fois ? »

L’enfant n’a pas besoin d’un avocat.
Il a besoin d’un adulte qui l’aide à se construire, pas à se blanchir.

Accepter qu’un enfant puisse “commencer”, c’est lui donner le droit d’apprendre

Un enfant qu’on déclare systématiquement innocent devient un enfant qui ne progresse pas.

Un enfant qu’on autorise à se tromper devient un enfant qui sait évoluer.

La question importante n’est pas :
“Qui a commencé ?”
mais :
“Qu’allons-nous en faire maintenant ?”

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